La pêche aux leurres, ou plutôt devrait-on dire les pêches aux leurres !
Technique très à la mode de nos jours elle nous vient pourtant de très loin. En effet, les premiers leurres, probablement des imitations d’insectes, datent de près de deux mille ans. La première allusion à un poisson artificiel vient d’un ouvrage de l’écrivain anglais Izaac Walton, Le Parfait Pêcheur à la ligne publié en 1653. Le poisson d’étain daterait du dix-huitième siècle, son succès, à travers ses diverses versions, ne s’est jamais démenti. Les cuillers apparaissent, elles, de la fin du dix-neuvième siècle et connurent un véritable essor quelques décennies plus tard. C’est aussi à la fin du dix-neuvième siècle qu’apparaissent les moulinets pour la pêche au lancer. Les premières cannes modernes en aluminium apparaissent vers 1940 bientôt suivies de celles en fibre de verre, c’est aussi à cette époque que Lauri Rapala va créer ses premiers poissons-nageurs. En 1942 l’invention du nylon. Tous les ingrédients sont réunis pour que petit à petit la pêche aux leurres puisse se démocratiser. L’avènement des leurres souples dans les années quatre-vingt donne un coup d’accélérateur à cette technique, elle devient aujourd’hui un véritable phénomène de mode.
Si je dis en titre « les pêches aux leurres » c’est qu’entre la pêche à l’ultra léger en torrent et celle des grands poissons de mer en bateau, il existe une foule de possibilités et de techniques, le matériel sera bien sûr adapté à chaque situation. Je me contenterai de vous parler de la pêche en eau douce, puisqu’ici notre rivière est notre principal centre d’intérêt et nos poissons s’appellent perches, chevesnes, black-bass, brochets, sandres et silures, c’est déjà un vaste programme ! La pêche se pratique du bord, en float-tube ou en bateau.
Le matériel :
Commençons par les cannes, dès que vous poussez la porte d’une boutique, c’est la profusion, comme pour les autres techniques les fabricants ne manquent pas d’imagination pour séduire les pêcheurs. Il faut donc au départ se faire une idée de ce par quoi on souhaite commencer, une rapide synthèse permet de classer les cannes en trois grandes familles en fonction de leurs puissances (exprimées en grammes, poids du leurre qu’elles peuvent lancer) et de leurs usages.
Ultra léger et léger, 1 à 5 gr et 2 à 7 gr, ces cannes sont parfaites pour tous types de leurres de petites tailles, destinées principalement à la truite, au chevesne et à la perche.
Médium, médium/heavy, 7 à 20 gr, 10 à 30 gr, grosses cuillers, leurres souples et poissons-nageurs. Pour le brochet, le sandre et le black-bass.
Heavy, 10 à 40 et 20 à 60 gr, essentiellement pour la recherche de gros poissons avec de gros leurres, ou leurres fortement plombés.
Deux styles, le spinning, soit la pêche au lancer avec un moulinet à tambour tournant telle que nous la connaissons chez nous depuis ses origines, et le casting plus populaire de l’autre côté de l’atlantique, qui se développe en France depuis le début des années 2000 et se pratique avec un moulinet à tambour tournant. Chacune ses avantages et inconvénients, elles sont complémentaires, mais utilisent des cannes différentes, anneaux et porte-moulinet sur le dessus pour le casting, sous la canne pour le spinning.
Les moulinets, là encore le choix est immense, votre choix se portera sur un modèle de poids et de taille adapté à votre canne afin d’obtenir un ensemble équilibré. C’est une pêche active, donc si vous n’avez pas envie de finir vos sorties avec des douleurs dans le poignet le bras ou l’épaule, pensez-y avant. Un bon commerçant saura toujours vous conseiller dans votre choix. La solidité et la qualité sont aussi importantes, le moulinet travaille en permanence et s’usera donc plus vite que pour d’autres utilisations, il ne faut donc pas trop économiser sur celui-ci.
Sur les cannes à lancer léger et ultra léger, vous préfèrerez des petits moulinets (tailles 1000 à 2500) plus légers. Les cannes médiums supporteront une taille moyenne (3000 à 4000). Quant aux heavy, ne voyez pas trop petit, le poids des leurres comme les poissons recherchés avec ce matériel mettra votre moulinet à rude épreuve.
Et sur la bobine de ce moulinet, je mets quoi ? Il existe aujourd’hui deux produits totalement différents pour garnir vos bobines, les nylons et les tresses. Les nylons sont moins chers, mais vieillissent plus vite, ils ont une bonne glisse dans les anneaux, une bonne résistance à l’abrasion et sont très peu abrasifs, peuvent aller du transparent pour la discrétion au fluo pour mieux suivre la trajectoire du leurre. Sa plus grande élasticité et parfois un avantage pour amortir le coup de tête d’un poisson ou les fortes vibrations de certains leurres. Il a aussi le défaut de vriller facilement et conserver (mémoire) ses déformations. Le nylon reste un produit performant à recommander aux débutants, sa section sera bien sûr adaptée à la taille du moulinet, au poisson recherché et à la puissance de la canne.
Les tresses, produits modernes, commercialisés depuis une vingtaine d’années. Leurs qualités premières sont leur grande résistance (largement supérieure au nylon), leur finesse, leur absence de mémoire et d’élasticité ainsi qu’une excellente résonance (capacité à transmettre le moindre choc ou vibration). Elles sont imbattables dans les animations lentes et minimalistes, ainsi que les pêches à gratter, où elles transmettent un maximum d’information sur les substrats, les obstacles et surtout les touches les plus discrètes. Elles ne sont malheureusement pas parfaites, sinon le nylon aurait rejoint les musés, elles résistent mal à l’abrasion et sont-elles même plus abrasives, il n’existe pas de tresses transparentes, leur absence d’élasticité peut devenir un défaut lors du combat avec le poisson, risque de décrochage plus important. Les nœuds doivent être solides et adaptés sinon gare à la casse. Il est conseillé lorsque l’on pêche en milieu encombré de mettre un bas de ligne en fil fluorocarbone pour limiter les risques liés à l’abrasion. Lors d’un accrochage, lorsque la casse devient inévitable, la tresse devient par sa très grande résistance un danger pour les mains (coupures) et pour le matériel, un petit conseil, prenez un morceau de bois, enroulez votre tresse autour et tirez.
Les leurres
Des plus légers, aux environs de 1 gramme, aux plus lourds, plus de 100 grammes, leur diversité est telle qu’il est impossible de tous les énumérer. Il se classent cependant en quelques grandes familles.
Les cuillers, le leurre le plus utilisé dès la démocratisation des cannes à lancer, elles se déclinent en plusieurs tailles depuis les minuscules 00 (0.9gr) jusqu’aux énormes numéros 7 (30 gr), de quoi tenter toutes les espèces sur tous les modèles de cannes. Elles permettent de pêcher partout près du fond comme sous la surface, elles peuvent même être précédées d’un lest additionnel dans les grandes profondeurs. La récupération peut se faire soit de façon linéaire ou en animant celle-ci par des ralentissements et accélérations ou changements de direction, la vitesse et la position de la canne (haute ou basse) permettent de varier la profondeur à laquelle on pêche. Elles sont parfois montées en tandem ou associées à un leurre souple ou une imitation de poisson.
Les leurres souples, des formes les plus basiques de vers à celles plus sophistiquées de poissons, écrevisses, grenouilles et autres « créatures », leur diversité est infinie. Cette diversité est tout aussi grande dans les tailles, qui vont du micro leurre de 15 ou 20 millimètres, aux géants de 30 centimètres et plus. Leur succès ne se dément pas depuis environ quarante ans, l’imagination des fabricants ne cesse de nous proposer les choses les plus inimaginables et toutes ces choses, même les plus bizarres prennent du poisson.
Cette incroyable diversité permet bien entendu de couvrir toutes les techniques pour toutes les espèces, il suffit de prendre le bon leurre. Sauf pour quelques modèles vendus avec l’armement, le montage est laissé à l’appréciation du pêcheur, ce qui permet d’utiliser toute la gamme des têtes plombées, tout aussi bien que des montages destinés au poisson mort manié ou au vif animé. Autre qualité qui n’est pas des moindres, leur prix, au moins pour les modèles de base, ce qui permet de prendre quelques risques sans crainte pour le porte-monnaie.
Les poissons-nageurs, leur grand défaut, leur prix ! Ceci mis à part ce sont des leurres extraordinaires, là encore il y en a pour toutes les espèces et de toutes tailles. Si vous ajoutez à ça l’originalité de leurs mouvements dans l’eau et la variété des vibrations qu’ils sont capable d’émettre, on comprend mieux que ce prix n’ait pas arrêté de nombreux pêcheurs. Leur densité est variable, ce qui les classe en trois principaux groupes. Commençons par les flottants, qui comme leur nom l’indique restent en surface, mais à la moindre tirée leur bavette les fait plonger plus ou moins vite et plus ou moins profond, ils remontent naturellement vers la surface. Ils sont intéressants pour les pêches à faible profondeur et pour aller prospecter sous les branches en laissant dériver jusqu’au point voulu avant de commencer l’animation. Les suspending (encore un nom anglais !) ils ont une densité très proche de celle de l’eau et restent donc en suspension tant que l’on ne les anime pas, dès que l’on tire ils descendent, cette descente peut être contrariée par la hauteur du scion de la canne, on obtient donc une animation entre deux eaux dont on peut facilement varier la vitesse. Les coulants, leur vitesse de descente est variable en fonction de leur densité, leur bavette accélère cette descente à la moindre tirée, il pêche donc naturellement près du fond ou à « gratter » lorsque la bavette soulève un petit nuage de particule chaque fois qu’elle tape sur le fond. Il existe dans chacun de ces principaux groupes de nombreuses variantes, tant sur la forme ou les couleurs, que sur le mouvement naturel propre à chaque modèle. La présence ou l’absence de bavette, la forme et la taille de celle-ci sont autant d’éléments qui modifient le comportement du leurre. La forme et la taille de la bavette feront varier la vitesse des mouvements descendants du leurre lors des tractions, ainsi que la profondeur de pêche pour les leurres flottants.
Viennent ensuite des familles de leurres plus restreintes telles que les cuillers ondulantes qui bien que très anciennes prennent toujours du poisson et ont leurs adeptes. Les leurres vibrants, lames et autres imitations de poissons donc le but est de provoquer de fortes vibrations qui sont capables de faire réagir les poissons, leur animation est une succession de tirées sèches, plus ou moins longues, qui provoquent les vibrations. Les streamers, fait de plumes, de poils et diverses fibres synthétiques, ils sont aussi bien utilisés par nos amis les moucheurs que pour le lancer, la différence vient du lest, ils intéressent toutes les espèces, ils sont discrets, souvent surprenants et chacun peut en fabriquer chez lui avec un minimum de matériel. Un petit détour du côté des poppers, comme pour les streamers, des modèles spécifiques servent pour pêcher au fouet, ce sont des leurres flottants que l’on anime par une succession de tirées pour faire gicler de l’eau, ce qui ne manque pas d’attirer l’attention des poissons chassant sous la surface. Le devon connut autrefois son heure de gloire auprès des pêcheurs de salmonidés, il permet de pêcher profond dans de forts courants.
Les spinnerbaits et autres leurres à palette dérivés des cuillers sont toujours prenants malgré leur absence de ressemblance avec la moindre proie vivante. Je finirai cette partie par les leurres à dandiner, dont le très célèbre poisson d’étain, moins connus sans doute les tétines et autres petits leurres dont nos amis suisses garnissent leurs gambes. Ici ce n’est pas le leurre qui est le plus particulier, mais l’animation qui se fait verticalement en cloquant.